Le mot du Bâtonnier 18 octobre 2018

Pierre-Ann Laugery, Bâtonnier

 

Chers Confrères,


Lorsque j’ai prêté serment fin 1980 et que j’ai commencé à avoir quelques clients épars dans les Maisons d’Arrêt de la région parisienne, je me suis rendu, pour rencontrer l’un de ceux-là, à la Maison d’Arrêt de Bois d’Arcy et j’ai fait la connaissance de Jean-Yves LIENARD, qui venait de son côté visiter ses clients avec une petite pochette, dans laquelle il m’avoua alors que se trouvaient 80 permis de communiquer uniquement pour cet établissement pénitentiaire !

Ce souvenir professionnel nous montre combien ce grand avocat, simple accessible, truculent et si talentueux, était déjà et à l’époque un travailleur acharné et la coqueluche des justiciables, gros voyous ou petits délinquants, qu’il défendait avec le même bonheur et une fougue partagés.

Sa faconde à nulle autre pareille, cette aisance de bateleur qui forçait l’admiration et une tendresse naturelle de la part de ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, en faisaient un convive magnifique.

Il était la mémoire des pénalistes, l’exemple pour beaucoup de jeunes avocats dont je faisais partie, jamais avare d’une anecdote, d’un bon mot ou d’un conseil toujours avisé.

Le Patron nous a quittés dans la nuit du 8 au 9 octobre dernier, presque comme Molière, en activité, et je sais de nombreux confrères qui sont tristes aujourd’hui d’imaginer les salles des pas perdus sans sa présence légèrement voutée, sa voix tonitruante et son regard bienveillant mais toujours aiguisé et malin.

Le Patron s’est fait la malle, mais le copain reste dans nos cœurs et dans notre mémoire.

Je sais des « tours de Notre Dame », volées des milliers de fois dans ses plaidoiries, dont les cloches l’ont surement accompagné sur son dernier chemin et je me demande même s’il n’y aura pas là-haut quelques clients à défendre.

Adieu l’ami.


Pierre-Ann Laugery
Bâtonnier de l'Ordre

 

 

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